Planète terroirs : pour une mondialisation à dimension humaine


Pour Prosper, j'ai découvert un mouvement qui devrait faire parler de lui, Terroirs et cultures.
Créé en 2003 à Montpellier, il commence à fédérer des gens du monde entier.
Son projet : défendre les terroirs du monde, la diversité des productions et des goûts, et par là trouver une alternative à la mondialisation dans sa version écrasante et laminante.
Pour résumer, des agriculteurs plutôt las de la FNSEA et des grands céréaliers, se sont dit qu'on pouvait faire beaucoup mieux pour le bien être de tout le monde.

En interviewant Dominique Chardon, le créateur et président du mouvement (et ancien secrétaire général de la FNSEA ! ), j'étais d'abord impressionnée. Cet homme réussit aussi à se démultiplier et à mener une réflexion profonde sur le monde et ses possibles, gère un domaine d'agriculture biodynamique à Bellegarde dans le Gard, "Terre des Chardons" qui fait vivre 20 personnes. Je n'ai pas encore goûté son vin mais j'espère le faire prochainement si je peux lui rendre visite.

C'est un homme passionnant et passionné, chaleureux et loquace, qui est convaincu que le mouvement de l'hyperlibéralisme et de la standardisation tout azymuth peut se contrer. En montrant ce qui marche de manière locale, en mutualisant les expériences avec d'autres, ailleurs, dans le monde. Des paysans, des viticulteurs, des chercheurs, juristes, historiens, anthropologues. Il a réussi tout en s'occupant de son domaine, à trouver de l'argent, repérer ces chercheurs et enseignants, convaincre l'Unesco.

C'est comme cela que, les 26 et 27 juin, ils vont se retrouver à Gigondas, dans le Vaucluse, pour leur second Forum International. Des membres de l'Unesco seront là. L'Ocde a aussi dépêché quelques personnes car il parait que même eux commence à penser autrement.
Ils rencontreront des membres d'associations et d'universités venus de l'étranger, du Maroc, de Madagascar, du Bénin, de Nouvelle-Zélande, du Brésil…
Prosper sera présent au forum et nous en ferons des compte-rendus dans les prochains numéros.

Le terroir, terme français intraduisible (d'ailleurs, il est question d'en faire un terme international), s'est construit à travers le travail des hommes, souvent dans des lieux difficiles et âpres, pour produire du goût, du spécifique. De la culture. Terroir et Culture va demander à l'Unesco le classement au patrimoine de l'humanité du petit territoire des Dentelles de Montmirail, qui avec ses terres escarpées, peut faire vivre plus de 300 petits coopérateurs de vins et bien sûr ceux qui gravitent autour de cette économie.

Ils veulent prouver que c'est possible, que rien n'est perdu car les terroirs sont en mouvement, que l'on peut, non pas revenir en arrière, mais imaginer autrement. Ce qui me rappelle la réflexion de Jean-Marie Tjibaou, le leader kanak disparu : "Le retour à la tradition c'est un mythe… Aucun peuple ne l'a jamais vécu. La recherche d'identité, le modèle il est devant soi, jamais en arrière…Notre identité, elle est devant nous…"

Relancer des productions, en inventer d'autres. Permettre que les gens vivent sur leur terre et s'en nourrissent comme ils l'entendent, plutôt que balancer le même riz à base d'OGM sur la terre entière. Serait-ce possible ?

A propos de riz, Dominique Chardon donne l'exemple de Madagascar où les hommes ont produit un riz rouge brun à partir du riz initial qui vient d'Indonésie. Ils l'ont adapté à leur goût, à leur palais, à leur culture. Mais les riz importés risquent de détruire ce riz spécifique.
Alors, pour se protéger et se défendre, il faudrait que les producteurs se réunissent : "Dans les Dentelles, il y a Beaumes de Venise et le muscat, ça mériterait que tous les muscats du monde, par exemple, se rassemblent et montrent la valeur de ce produit, sa beauté qui tien aussi à l’infiniment petit."

La beauté, c'est un terme qui est souvent revenu dans les paroles de Dominique Chardon. La beauté du différent, de l'infiniment petit, de ce qui est né du labeur et de l'imagination, de la créativité et de l'intelligence.