Le dieu des orages et la croix du Sud : lorsque la cosmologie maorie influence le développement vivable

Le dieu Tawhiri devant la péninsule de Banks sur l'île du sud, Nouvelle-Zélande @James Blackman

En cherchant une illustration pour l’interview de l’architecte maori Mike Barns (dans la rubrique "autour du Pacifique", en marge) qui explique comment lui et ses collègues utilisent les concepts de l’espace « indigène » pour construire des bâtiments publics contemporains (collèges, prisons), j’ai découvert l’agence d’un autre architecte maori à Wellington,Tawhiri Architects.
Avec toujours cette sensation de respirer ! Je n’ai pourtant pas d’ancêtres maoris, mais ces propos qui évoquent le souffle des ancêtres ouvrent sur d’autres espaces…
« Ne prenez pas ce que vous désirez mais ce dont vous avez besoin », dit le site en exergue.


Dans sa présentation, il évoque la cosmologie maorie, l’époque des ténèbres lorsque Ranginui, le ciel père et Papatuanuku, la terre mère étaient collés ensemble, avec leurs multiples enfants étouffés entre eux deux. Les enfants décident de séparer leurs parents pour se libérer des ténèbres. Ce qu’ils réussissent après d’immenses efforts. Les larmes de Rangi, désespéré d’être séparé de Papa pour l’éternité, tombent sur elle. Ce sera la première pluie.


Tawhiri, dont l’agence a pris le nom, est l’un des fils de Papa et Rangi. C’est le dieu du vent et des orages. Mais il n’était pas du même avis que ses frères et voulait maintenir Rangi et Papa enlacés. Il a alors déchaîné les ouragans et les tempêtes et créé les saisons.

« Le souffle de Tawhirimatea crée la vie et ce qui la rend possible dans notre monde en mutation», continue la présentation de l’agence. Celle-ci associe des moyens technologiques de pointe — elle équipe, par exemple des écoles maories en réseaux de fibre optique pour les relier entre elles et avec des stations de radios — un recrutement d’architectes et designers dans les communautés maoris en respect avec le protocole coutumier et un projet de développement vivable. Pour perpétuer, disent-ils, le bien être de l’esprit, du corps, et de la pensée et créer un environnement qui renforce les whakapapa (les généalogies) et le Mana (la force sacrée) de leur peuple.


Une salle d'exposition aménagée par l'agence.

La croix du Sud : un guide pour retrouver l’harmonie
Prendre un modèle issu de la culture traditionnelle pour en faire un archétype comme un mandala, qui porte et emporte, c’est encore ce qu’on choisit les Maoris dans un autre domaine, celui de la santé publique.
C’est l’image de la croix du Sud, cette constellation mythique visible uniquement dans l’hémisphère sud, qu’a imaginé Mason Durie, psychiatre et professeur en études maories, pour promouvoir la santé et le bien être dans les communautés affaiblies par la déculturation, la pauvreté, la violence, la perte de repères, la méconnaissance de leur langue. Une situation qui concerne près de la moitié de la population maorie. Car en Nouvelle-Zélande, c’est le peuple autochtone qui est le plus en danger et le plus en butte aux maladies et aux inégalités de santé.



Pour les Maoris, la croix du Sud, Te Pae Mahutonga, est un guide, c’est l’ancre de la grande pirogue ancestrale qui les a conduits vers Aotearoa, le « pays du long nuage blanc », la Nouvelle-Zélande. Grâce à leur lien profond à la nature, les symboles comme les rivières, les montagnes, les étoiles possèdent pour eux une véritable force.
Et justement, nombreux parmi eux considèrent que la principale faiblesse des services de santé contemporains réside dans l’absence de dimension spirituelle.
Les quatre enjeux principaux de ce dispositif, qui veut œuvrer pour un troisième millénaire où la santé serait considérée dans sa globalité, sont symbolisés par les quatre étoiles principales qui forment la croix du Sud : Mauriora représente l’identité culturelle, Te Oranga la participation sociale, Waiora, l’environnement physique, Toiora, les modes de vie sains.
La croix du Sud continue ainsi de jouer son rôle de carte symbolique, un rôle qui voudrait s’appliquer à tous les Néo-Zélandais.


La croix du Sud @Christopher J. Picking